Noëlogramme pour Benoît Melançon

Souriant, d’une humeur sans faille, toujours accueillant, l’oreille tendue : le Père Noël a toutes les caractéristiques du destinataire idéal. Mieux encore : en cas de défaillance – s’il lui arrive, par extraordinaire, de ne pas répondre lui-même à son courrier -, il est relayé par une équipe, petite mais dévouée, de lutins postaux. Non content de se servir des moyens traditionnels de communiquer, il s’est converti au courriel, même si l’on dit fréquemment que ses interlocuteurs continuent dans une large mesure à préférer le papier. Quoiqu’il en soit, le Père Noël assure.

J.R.R. Tolkien, le géniteur des hobbits, s’était avisé de l’universalité de cette correspondance de décembre : entre 1920 et 1943, il écrivit de pareilles lettres à ses enfants, depuis réunies en Lettres du Père Noël (C. Bourgois, 1977). Plus commercialement, des «noëlogrammes» font l’article dans les journaux de Montréal au début du XXe siècle. De ces lettres du Père Noël, on passe sans peine à celles au Père Noël. Patrick Bruel en chanté une (« Lettre au Père Noël »), de même que Fred Astaire (« Santa Claus is Coming to Town »). Laurent Boyer et Régine Torrent en ont édité un recueil en 1989 (Éditions no.1), et Nathaële Vogel a illustré les huit lettres écrites par le personnage de Nicolas de Hirsching en 2004 (Rageot). Cher Père Noël est un titre prisé : on en trouve quatre occurrences dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France, trois dans celui de la Bibliothèque nationale du Québec, deux dans celui de la Bibliothèque nationale du Canada, un dans celui de la Bibliothèque de la Ville de Montréal…

Benoît Melançon, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires. Del Busso / Numeriklivres

Cher M. Melançon,

Je me suis délecté à la lecture de votre ouvrage comme un enfant qui découvre les surprises et les friandises cachées dans son bas le jour de Noël. Il faut vous remercier d’avoir constitué et partagé cette collection de lettres curieuses qui traversent le temps, les genres, la grandeur et la folie humaines, avec quelques animaux empaillés (comme le pigeon voyageur), des squelettes et beaucoup de pierres précieuses.

Ce livre fait le bonheur de son lecteur, surtout quand ce dernier aime assez cette activité pour se définir en tant que lecteur puisqu’il contient un immense réseau de références à d’autres oeuvres que l’on retrouve ou découvre et que l’on se hâte alors d’ajouter à la liste sans fin qui fait la bibliothèque de nos désirs. Je m’empresse de le recommander quand j’en ai la chance. Je l’ai déjà offert à deux de mes proches. D’autres le déballeront demain.

Je ne vous écris pas pour vous demander une cote là-dessus mais plutôt pour vous interpeler au sujet d’une vérification que j’ai effectuée dans le catalogue des Bibliothèques de Montréal. Lorsque l’on renseigne la boîte de recherche avec les mots-clés « Cher Père Noël », on obtient, non pas un seul résultat ainsi que vous le suggérez, mais bien cinq oeuvres, sans doublon, qui portent ce titre. Si les autres données concernant les institutions concurrentes sont maintenues (j’encourage les bibliothécaires des établissements mentionnés à vérifier par eux-mêmes), cette réévaluation permettrait aux Bibliothèques de Montréal de coiffer même la Bibliothèque nationale de France et d’arriver en tête du palmarès. Dans les circonstances, je proposerais de désigner Montréal, capitale de la Lettre au Père Noël, et j’inviterais les bibliothèques locales à créer un concours de lettres au Père Noël à chaque année, à numériser ces contributions citoyennes sous la forme d’une publication qui entrerait dans le catalogue et qui nous permettrait de préserver ce statut enviable. Vous direz peut-être que ce n’est pas une demande très créative mais vous reconnaîtrez qu’elle est susceptible de favoriser la création.

Je vous souhaite, bien cordialement, de très joyeuses fêtes,

Marie

P. S. : Si jamais vous considérez la réédition d’une version corrigée, je vous suggère aussi d’en faire une version augmentée : c’est un ouvrage qui suscite une irrésistible envie de cliquer sur les références, les personnages, les événements qui animent la parade.





| La photo, Letter for Santa Claus (LOC), prise entre 1910 et 1915, provient de la galerie de la Library Of Congress, source : Flickr, aucune restriction de copyright connue |

2 réponses à « Noëlogramme pour Benoît Melançon »

  1. Chère Marie,

    Que voilà une lecture fine et sympathique ! Quelques commentaires rapides, avant d’aller terminer la décoration du sapin (il ne faut jamais décevoir le Père Noël).

    Merci pour le noëlogramme, que j’aime beaucoup, à ceci près que le facteur me fait bien trop penser à Stephen Harper (il n’est pas sur ma liste de cadeaux).

    Sur le catalogue, mea maxima culpa : c’est ce qui arrive quand on rédige un texte en 2002 et qu’on le réédite en 2011 sans tout remettre à jour.

    Vos «contributions citoyennes» et autres «capitales», de même que vos liens, montrent que vous avez autant de plaisir que moi à faire circuler les mots.

    Je vous souhaite, à vous et aux vôtres, de continuer à le faire tout au long de l’année qui vient, et bien au-delà.

    Très cordialement,

    B.

    P.S.—Patrick Bruel se trompe : non, «les lettres [ne] viennent [pas] mourir dans la neige». Pour s’en convaincre, il suffit de regarder au pied de l’arbre de Noël. On y trouvera toutes sortes de choses, même des livres, aussi curieux soient-ils.

  2. Nous vous remercions beaucoup !

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