Une église hier, aujourd’hui une bibliothèque : plus ça change, moins c’est pareil

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La bibliothèque Memphrémagog est l’exemple le plus récent d’une église recyclée en une maison des livres. Inaugurée en novembre 2011, la nouvelle bibliothèque publique contribue à l’effort de revitalisation du quartier des tisserands de Magog, reliant le passé et le présent à un avenir meilleur.

Si le vœu de sauver l’église a permis de mobiliser la population, davantage peut-être que le projet de se doter d’une bibliothèque dans les discussions initiales sur le parvis, les citoyens ont, depuis, largement plébiscité ce nouveau centre d’information et de culture communautaire. Aujourd’hui, la bibliothèque a prolongé l’oeuvre de l’église comme repère identitaire déplaçant le sentiment d’appartenance que les citoyens réservaient naguère à l’établissement religieux vers cette nouvelle sphère publique. Et, à la place d’un prêtre qui officie le culte, c’est une femme, Diane Boulé, la bibliothécaire responsable, qui y administre la culture, avec sa manière généreuse, énergique et accueillante.

  • Architectes :  Espace Vital
  • Taille : 2000 m.c.
  • Coût : 10 millions $
  • Collections : 70 000 documents avec un objectif de 100 000
  • Postes informatiques : 22
  • Places assises : 160
  • Bibliothécaire : 1

Les conditions de réussite

1. La réconciliation du caractère unique et transcendant de ce lieu avec le marketing des biens terrestres que recommande une approche actuelle de la bibliothèque.

2. L’intégration du patrimoine dans un geste architectural bien contemporain.

3. La présence de trois salles de formation qui rapproche ce projet de la vision d’un Ideastore en phase avec le rôle des bibliothèques sollicitées par l’UNESCO pour jouer un rôle dans l’apprentissage tout au long de la vie, l’alphabétisation technologique et la réduction de la fracture numérique au sein des communautés.

4. La dimension participative du projet alors que les citoyens ont été invités à se prononcer via des comités, un référendum et des activités d’appropriation. Soulignons aussi l’audace et l’intelligence des communications qui ont eu recours aux médias sociaux, avec une page Facebook,  pour informer et échanger, de façon transparente, avec le public tout au long de la conception et de la construction de la nouvelle bibliothèque.

5. L’intégration d’autres services comme l’auditorium (130 places – en construction) et une cuisine communautaire  renforcent le lieu en tant que pôle culturel et citoyen, en visant, par effet de retour, à bâtir la communauté. L’auditorium donnera aussi  un caractère événementiel à cette place  et l’inscrira comme destination dans un calendrier de rencontres et d’occasions. Et puis, l’élaboration d’une stratégie locale de partenariats  avec des organismes communautaires, comme l’Université du troisième âge, dont les besoins en termes d’espaces (salle de formation et de réunion), ont été pris en compte, contribuent à configurer et à définir cette bibliothèque comme une alternative à la bibliothèque traditionnelle. Comme on le dit bien : « Bad Libraries Build Collections, Good Libraries Build Services, Great Libraries Build Communities. »

6. L’effet loft et l’expérience qui l’accompagne, en cherchant à véhiculer une vision élevée des utilisateurs, sont favorisés par les volumes spectaculaires, la qualité de la lumière ambiante filtrée par les vitraux – en dépit de l’absence d’éclairage naturel – et enrichie par une palette de couleurs et de finis sophistiqués,  le décloisonnement et  l’ouverture –  malgré la lourdeur de l’enveloppe. Ainsi, les imposantes portes de bois de  l’église qui s’ouvraient et se refermaient derrière les croyants, en leur permettant d’accéder de façon solennelle au monde du sacré, sont désormais ouvertes en permanence. Ce sont des portes de verres qui  opèrent l’accès marquant la rupture avec la vocation ancienne du bâtiment et signant, par leur transparence, l’ouverture  du lieu sur la communauté. Le décloisonnement représente aussi un parti-pris pour une reconfiguration aisée et flexible de l’espace.

7. Le design de l’interaction sociale. Une œuvre d’art emblématique traverse et inspire deux zones fortes invitant à la conversation, aux connexions et que l’on pourrait associer à des ingrédients de troisième lieu. D’abord, l’agora situé dans l’espaces jeunesse constituée par une élégante alcôve en gradin  surmontée par La spirale de la connaissance, une dentelle métallique dite de « fleurs-air-écriture-matière », réalisée par l’artiste Pierre Fournier, et qui se hisse jusqu’au deuxième étage, chez les adultes, pour être entourée par une enfilade circulaire de postes internet en surplomb qui forme un oculus.

D’autres options

Sans doute, le  projet apparaît-il d’une grande justesse. Dans un contexte plus urbain et/ou dans un milieu déjà plus sensible à la condition de la bibliothèque comme passerelle numérique, certains aspects auraient peut-être été développés en considérant d’autres options : plus de dispositifs de collaboration  ( des salles pour le travail en équipe), plus d’îlots de conversation, une programmation des espaces jeunesse plus détaillée avec des parcours ludiques (jeux pour le développement de la littéracie pour les 0-5 ans, gaming pour les plus vieux), un scénario  de troisième lieu affirmé  à l’aide, notamment, d’un café central et structurant, une localisation plus stratégique, une signature technologique plus insistante qui suggère l’existence d’un hub, davantage de connexions avec l’extérieur (des terrasses), moins de rayonnages, des solutions mobiles, l’adoption du libre-service,  une plus grande emphase placée sur la création, la gamification et le développement durable en relation avec l’agenda 21. Surtout, plus de bibliothécaires pour animer ces espaces et la communauté ensuite.

La visite de la bibliothèque Memphrémagog vaut le détour et mérite amplement de figurer dans les circuits touristiques de la région. D’ailleurs, on ne peut la manquer si telle est l’intention du visiteur car des audioguides locaux sont justement disponibles à partir du comptoir de la bibliothèque…

Cette visite m’amène à l’annonce d’un colloque fort intéressant sur une problématique bien québécoise et bien de ce temps :  la transformation des églises en bibliothèques. Ce colloque, qui réunira bibliothécaires, architectes, designers, gens de l’administration municipale et du patrimoine de partout au Québec, se tiendra le 4 mai 2012 à Montréal, à la Grande Bibliothèque en présence d’Helene Fotopulos.  J’y participerai, avec plusieurs autres conférenciers, en vue d’explorer différents modèles actuels de bibliothèques et de soupeser leurs expressions possibles entre les murs d’anciennes cathédrales. On pourra aussi y entendre la dynamique équipe de Magog qui viendra présenter le projet de la bibliothèque Memphrémagog.

Les informations ainsi que les documents nécessaires à l’inscription sont disponibles à partir de la page d’accueil du site Internet du Conseil du Patrimoine Religieux  du Québec à : www.patrimoine-religieux.qc.ca.

On peut envoyer les inscriptions et les demandes d’informations via l’adresse colloque@patrimoine-religieux.qc.ca ou par téléphone au 514 – 931 – 4701 poste 224.

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7 réponses à « Une église hier, aujourd’hui une bibliothèque : plus ça change, moins c’est pareil »

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